La traduction de chaque livre est un voyage

Christine Laugier

JoyceCarolOates, traductionlittéraire, édition

C'est au cours de ma vie de maman que j'ai fait la connaissance de Christine Auché. Sagement assises sur les bancs du collège de nos filles respectives, nous assistions ensemble aux rituelles réunions parents/profs !
Très vite, nous avons réalisé que nous étions toutes deux en pleine reconversion professionnelle, sur le point de nous lancer dans la traduction.
Depuis, chacune de nous a fait son chemin dans le métier et c'est avec grand plaisir que je vous présente aujourd'hui le très beau parcours de Christine, désormais traductrice de Joyce Carol Oates.


1. Comment es-tu devenue traductrice ?
Quel a été ton parcours ?

Je suis devenue traductrice par hasard. Après un séjour de six ans hors de France, d’abord aux USA, à New York et Chicago, puis à Londres, où j’ai passé beaucoup de temps à lire de la fiction en anglais. À mon retour en France, j’ai commencé par retravailler dans le domaine de la communication d’entreprise, d’où je venais, mais je ne m’y retrouvais plus. J’ai eu envie de concilier mon amour de l’écrit et celui de la langue anglaise et j’ai décidé de reprendre des études de traduction pendant deux ans, si bien que j’ai débuté cette seconde carrière à quarante ans, une gageure.

2. ​​​​​​Quelles sont tes langues de travail ? ta spécialité ?
Ma langue de travail est l’anglais. Et si je traduis parfois des articles de presse (j’ai été brièvement journaliste) ou des documents financiers, ma spécialité est devenue la traduction de fiction.

3. 
Comment es-tu devenue l’une des traductrices de Joyce Carol Oates ?
Encore un hasard. J’avais contacté l’éditrice  de l’époque et il se trouve que la traductrice habituelle de Joyce Carol Oates ne pouvait pas assumer la traduction d’une partie d’un recueil de  nouvelles, ce dont je me suis chargée, après un test. Ensuite, les choses se sont enchaînées, et je traduis désormais ses nouvelles. Joyce Carol Oates écrivant aussi de gros pavés plus médiatiques qui occupent largement ma collègue.

4. 
Selon toi, quelles sont les spécificités de son écriture, de ses nouvelles ?
À ce jour, j’ai donc traduit plusieurs recueils de nouvelles, souvent assez sombres (le dernier en date s’intitule Dé mem brer), et un roman de cet auteur, une dystopie, Le petit paradis.  Sa manière d’écrire les nouvelles est un peu différente de celle des romans, même si on retrouve sa marque de fabrique, l’utilisation d’une abondance de tirets, de parenthèses, de guillemets et d’italiques un peu partout, qui sont déroutants au premier abord. Il y a aussi des thèmes récurrents que j’ai l’impression d’apprivoiser au fur et à mesure.

5. 
Pour quelles maisons d’édition travailles-tu ?
En ce moment, principalement les éditions Philippe Rey, qui publient Joyce Carol Oates. J’ai  aussi récemment collaboré avec Rue Fromentin, une petite maison qui m’a confié deux traductions «  mythologiques » de Madeline Miller, Le chant d’Achille et Circé. J’ai aussi fait une incursion en jeunesse chez Flammarion, et Naïve Livres et travaillé pour Oh ! Éditions et les Presses de la cité.

6. 
Qu’est-ce que tu aimes le plus dans la traduction littéraire ? et le moins ?
La traduction de chaque livre est un voyage, une immersion qui permet de s’abstraire du quotidien et de pénétrer dans l’univers d’un auteur.  Je préfère la période de traduction à celle de la relecture. J’apprécie aussi beaucoup la partie recherche comme j’ai pu avoir à le faire pour les livres de Madeline Miller.

7. 
Qu’est-ce qui te semble le plus difficile dans ton métier de traductrice ?
L’isolement, et le manque de confrontation avec d’autres traducteurs, et même avec le monde, ce qui ne me gênait pas au départ, mais qui commence à me peser un peu. Beaucoup d’échanges se font par mail, le contact humain est très limité.

8. 
Au-delà de la traduction, proposes-tu d’autres prestations de service ? Si oui, lesquelles et pourquoi ?
Non je ne fais que traduire, de la fiction et des articles principalement.
Il m’arrive de parler de lectures qui m’ont plu sur mon blog, mais ce n’est pas une prestation de service.

9. 
Te considères-tu comme une traductrice épanouie ? Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ?
J’ai mis quelques années à démarrer et connu des périodes de frustration, car il est difficile de faire son trou dans ce métier, tant la concurrence est rude, surtout en anglais. Mais depuis quelques temps, je traduis des textes qui me plaisent et cela s’enchaîne assez bien. J’ai eu des périodes de disette,  des donneurs d’ordre qui ont fait faillite,  mais pour l’instant, ça fonctionne,  et je commence même à avoir des lecteurs qui m’écrivent, un grand plaisir.
Cela dit, nous vivons une période charnière avec la crise du coronavirus et la chaîne du livre est très affectée. Je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait.

10. 
Selon toi, c’est quoi une bonne traduction ?
Un texte que l’on lit comme s’il était écrit en français, et qui respecte le ton et le rythme de l’écriture de l’auteur. Et c’est un objectif très difficile à atteindre… Il m’arrive de lire des traductions (même si je préfère lire dans le texte) et de buter sur certains passages ; mais je suis très souvent épatée par les textes traduits que je lis, d’autant que je suis parfaitement consciente du travail qui se cache derrière chacun de ces textes.  Le métier de traducteur exige aussi de l’humilité, car on est là pour faire passer le message de l’auteur et non pour mettre son grain de sel, pour rendre justice à un texte et en donner la meilleure version possible dans notre langue sans tomber dans la tentation, toujours présente, de la réécriture.

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